Maurice & Patapon sont un peu comme Johan et Pirlouit Laurel & Hardy, Véronique & Davina, Black & Decker ou encore le père Lustucru et la mère Michèle. Ils forment un couple indissociable dans nos esprits instruits d’amateurs des belles choses, un grand couple de la littérature graphique française contemporaine, une des formes les plus méritoires de la bandéssinitude du 21e siècle, héritier direct de Töpffer, Pratt ou autres Moebius… Bref, c’est l’ultime forme de l’art séquentiel.
Faites-moi plaisir, lisez le post-chronicum en bas d’article. Non, mais c’est pour plus tard, je ne me suis pas cassé le *** à faire une chronique pour rien quand même ! Merci. C’est peut-être un peu long comme titre, non ?
Il ne faut pas plus de quelques cases pour comprendre. Oui, Maurice & Patapon est l’ultime chef d’œuvre que nous attendions tous depuis… Depuis toujours en fait. Sous la forme de petits strips, Charb interroge directement notre condition humaine à travers les discussions métaphoriques, philosophiques et poétiques de deux animaux. Chien et Chat, Maurice et Patapon. Qui mieux que ces êtres qui nous accompagnent au quotidien peuvent, sans sourciller, observer et juger nos actions, nos défauts, nos petites manies ?
En leur donnant la parole, Charb nous adresse un message d’une profonde pureté qui nous pousse à réfléchir au vivre-ensemble, à nos interactions, à nos différences et à nos fausses inimitiés. Avec son regard acéré, son don pour une composition complexe, son référentiel culturel profond et un trait totalement maîtrisé, il se moque de nous avec pudeur et respect. Pour toujours.
Oui, « Toujours » est bien le mot qui résume cette œuvre fondamentale, quasi-mystique, de celui qui entre aujourd’hui au Panthéon de nos certitudes d’amateur du beau. Cet auteur que nous pleurons aujourd’hui, laisse à travers ses deux personnages un message de paix, d’amour et de légèreté. Le dessin de presse tout comme la bande dessinée sont là avant tout pour résonner dans les profondeurs de notre âme. Une lumière dans la nuit.
Nous garderons à jamais en tête ce dialogue éternel entre un Patapon couché sur un divan et un Maurice l’observant :
» – Chez moi, le cou, la tête, le dos, le ventre, les pattes sont des zones érogènes.
– Chez moi, c’est la bite. »
Hommage.
Maurice et Patapon
Dessins et Scénario : Charb
Editions : HoebekePublic : Grands amateurs
Pour les bibliothécaires : Indispensable dans toutes les bonnes BDthèques
Post-chronicum (je ne sais pas si ça existe mais ça fait classe) :
Cette semaine, je voulais reprendre une activité normale sur IDDBD. J’ai bien essayé mais j’étais incapable de vous parler de ceci ou de cela sans avoir une grosse boule au ventre et l’impression de trahir quelque chose. C’est ridicule, j’en conviens d’autant que je ne suis qu’un lecteur occasionnel de Charlie. J’aimais profondément le travail de Cabu, pas mal celui de Charb, un peu moins celui de Wolinski… La semaine dernière, ils ont tué ces personnes (et je n’oublie pas les autres) que je ne connaissais pas intimement mais qui comptait pour moi bien plus que je ne l’imaginais. Ils étaient là, rassurant, sans que j’ai besoin de poser les yeux sur leur travail. Un « au cas où » qui me rendait inconsciemment plus libre, un garde-fou pour l’esprit… « Charlie, défends-moi » comme chantait Noir Désir.
Alors, après ma réaction pleine de colère la semaine dernière, voici cette chronique faussement emphatique. Pas un hommage mais un humble pied de nez aux « Charlie de la nouvelle heure » pour se moquer gentiment des opportunistes, des profiteurs, des sans-gênes de l’esprit qui réunissent les autres derrière leur drapeau à la moindre occasion pour flatter leurs égos et leurs bonnes consciences. Ceux qui trouveront tellement formidables les anti-aventures de Maurice et Patapon et en feront de belles chroniques avant de les oublier dans un coin au grès de nouveaux combats.
C’est quoi le message. Bisous à tous les Charlie, les non-Charlie, les surtout-pas-Charlie… voire même les cons, tiens ! Car « la haine ça n’apporte rien et elle viendra bien assez tôt » disait Renaud…
Parfois, on reproche au cinéma documentaire de n’aborder que des thèmes négatifs : guerre, chômage, violence, mal de vivre… Si ce cinéma se nourrit en partie des difficultés du monde il sait, au détour d’une séance, nous faire également découvrir des films de qualité au sujet plus légers. Ainsi, Silence Radio plonge le spectateur dans la réalité d’une petite radio tenue par une armée de bénévole mais aussi, et c’est là tout l’intérêt de la démarche de Valéry Rosier, dans le quotidien de ceux qui les écoutent. Pour montrer ce double visage, le réalisateur belge propose un montage dynamique tout en équilibre entre plans filmés à la radio et lieux d’écoute (salons, salle de bains, voitures…) avec toujours ce souci de placer l’humain et son environnement au centre de l’écran. En fil rouge de cette aventure cinématographique, les sons de Radio Pusaleine et une bande originale de référence dans le genre (je suggère au producteur d’éditer la BO, je pense que ça devrait marcher.
Grâce à ce procédé, nous sommes immédiatement frappés par ce lien fort qui unit les deux groupes : lL’un derrière le micro, l’autre derrière son poste de radio. Dans les grésillements d’un matériel d’émission à la dérive (lâchera, lâchera pas ?), la vie des uns et des autres est marquée par les appels téléphoniques à la station, les dédicaces et la musique française gentiment désuète de ces « années-là ». Car Radio Puisaleine n’est pas une radio de « djeun’s », ni même une radio libre version année 80, mais plutôt, à l’image de ses animateurs et de ses auditeurs, une élégante vieille dame qui propose des moments d’amitiés, d’écoutes et de partages. Une radio de proximité pour âme seule.
Dans cet émouvant portrait, Valéry Rosier est comme le petit-fils taquin de cette vieille dame : il l’aime bien et apprécie de la chahuter un peu. Ainsi, on rit avec tendresse devant des conversations improbables, des entretiens radiophoniques d’un autre âge ou des couacs techniques qui feront pâlir les professionnels. Mais voilà, il y a tellement de belles volontés qu’invariablement on s’attache à ces gens-là. Personnellement, je retrouve dans ces bénévoles radiophoniques les mêmes petits écarts, les mêmes petits défauts et surtout la même énergie que chez les bénévoles de bibliothèques. Au final, un film sympathique à la réalisation très propre qui vous mènera dans le petit monde de la radio associative, dans la nostalgie des chansons d’antan, dans un univers en décalage… un petit peu de simplicité dans un monde complexe. Un peu de bonheur quoi ! A noter que ce film a reçu le FIPA documentaire 2013. A écouter (en streaming) : Radio Pusaleine évidemment ! A lire :
Silence Radio Réalisateur : Valéry Rosier Durée : 52′ Productions : Need Productions / Perspective films Année de production : 2013