scénario de Pieter Van Oudheusden
dessins de Jeroen Janssen
Editions La Boîte à Bulles (Contrepieds), 2010
Public : Adulte
Pour les bibliothécaires : une approche intéressante d’un graphisme africain. Pas forcément un album référence.
Lièvres, Hyènes, Cochons
Après avoir été berné par le lièvre Bakamé, Mpyisi la hyène décide de se venger. Pour cela, il abandonne femme et enfant pour trouver Bwana Kero, un sorcier à l’obscure réputation.
La revanche de Bakamé est une surprise. Bonne je n’en suis pas totalement convaincu mais c’est assurément un objet rare dans le petit monde de la BD. Publié par la Boîte à Bulles, cet album a l’allure des BD africaines tant sur le plan narratif – le scénario est l’adaptation d’une fable africaine – que graphique. En effet, le dessin avec son trait épais, cette caricature à outrance (en particulier dans les attributs sexuels des personnages), cette couleur quasiment directe, un remplissage très chargé de l’espace rappelle sans cesse les affiches africaines. Pourtant, les deux auteurs sont… flamands et hollandais !!!!
Pour pénétrer dans cet album, il faut s’attendre à être bousculé dans ses principes. Principes graphiques évidemment car nous nous éloignons de nos habitudes occidentales (et même orientales car nous sommes ici aux antipodes du manga) mais aussi principes moraux car, outre la fable , les auteurs de cet album nous invite à lire une histoire et à juger les personnages d’une manière bien inhabituelle. C’est à mon avis la grande qualité de cette BD.
Mais pour tout vous avouer, j’ai mis un peu de temps à pénétrer dans cet univers. Même si le graphisme ne m’a jamais empêché de lire une bande dessinée, j’avoue qu’il m’a fallu bien une dizaine de planche pour m’adapter. Cette multiplication des couleurs et ce graphisme baroque me faisait un peu peur. Et pourtant, peu à peu, la magie de la fable opère et nous voilà entrainé dans cet univers de petites lâchetés, d’égoïsmes et d’attrape-nigauds où la moralité semble bien éloignée des préoccupations des auteurs et des personnages. Sous l’apparence d’une fable coquine et humoristique, ce récit dresse un portrait pas toujours très glorieux de la société. La politique, la fidélité, l’amitié, la parole donnée, tout ça est passé à la moulinette… mais avec un humour second degré. Une vision très « africaine » je dirais. Il n’y a rien de bien sérieux dans cette histoire, pas même le tragique. En fait, La revanche de Bakamé, c’est un peu Aya de Yopougon mais en version bien plus trash. Ici, les personnages, mélange d’animaux et d’êtres humains, laissent parler leurs instincts les plus primaires, en particulier sexuels, ce qui les conduit dans des situations parfois cocasses et même souvent cruelles.
Après, vous dire que c’est un incontournable… Je n’irais pas jusqu’à franchir le pas. D’habitude dans les fables le lecteur s’identifie un peu aux personnages et ici, c’est extrêmement difficile… à moins de particulièrement se détester car, dans l’ensemble, ils sont tout de même très antipathiques.
A part ce bémol, La Revanche de Bakamé est une œuvre intéressante, surprenante sur le fond et la forme. Il manque un petit quelque chose pour faire rentrer l’album dans la catégorie des incontournables. Il reste cependant une bonne lecture, sous réserve qu’on arrive à passer l’obstacle des premières planches.
Cette chronique a été réalisée pour l’opération Masse Critique. Merci à Babélio et aux éditions La Boîte à Bulles pour la découverte de ces auteurs africains du Nord (de l’Europe) !
A lire : l’interview des auteurs sur sceneario.com
A lire : les autres critiques sur Babelio
A découvrir : la fiche album sur le site des éditions La Boîte à Bulles