scénario et dessin Jimmy Beaulieu (Québec)
Editions Delcourt (2011)
Collection Shamphooing
Public : Adultes
Pour les bibliothécaires : un très bon album d’un auteur québécois. Pas essentiel dans un fonds moyen.
Histoire de Q
Je ne partage pas vraiment l’enthousiasme des foules sur le retour de la BD érotique. C’est vrai que  ça revient à la mode, d’ailleurs même les éditeurs de BD bien commerciales vendues chez Carrefour entre les légumes et les pots de haricots verts (bios de préférence) s’y sont récemment remis… Comme quoi les popotins, ça marche toujours.
Bref, c’est vous dire, si le titre « Comédie sentimentale pornographique » ne me donnait pas franchement envie de découvrir pour la première fois l’œuvre du québécois Jimmy Beaulieu.
Mais ne cherchez pas, en ce moment je suis difficile.
La preuve, j’avais tord.
Comédie Sentimentale Pornographique est même une très agréable découverte. Je ne sais pas dans quelle mesure Jimmy Beaulieu a été influencé par la « Nouvelle BD » européenne mais une chose est sûre, son album entre dans la droite ligne éditoriale de la collection dirigée par Trondheim. On retrouve un trait faussement simpliste, très énergique et expressif. Jimmy Beaulieu fait surtout preuve d’un réel talent d’écriture. Il fait cohabiter deux histoires qui ont uniquement deux points communs : une femme et un livre. La femme c’est Corrine, petite amie de Louis Dubois, réalisateur de film pour l’argent et auteur de BD pour le plaisir. Tous les deux sont fans des romans de Martin Gariépy, lui-même amoureux d’une lesbienne nommée Annie qui est en fait l’ex de …. Corrine ! Ah oui, j’oubliais, Louis quitte Montréal pour s’affranchir de la civilisation dans un hôtel perdu (qu’il vient d’acheter) d’une région perdue.
Comédie sentimentale pornographique est donc une suite de scènes et une série de portraits liées par ces hypothétiques fils rouges que sont l’amour, les souvenirs, les fantasmes, une sexualité très assumée. Mais ici, le sexe n’est pas bardé de toute moralité ou immoralité. Il est vécu bien simplement, à la fois comme plaisir, dialogue et terreau de créativité. En fait, l’album est bien plus « érotique » que « pornographique ». Car la créativité est aussi un thème récurrent de cet album. Entre l’écrivain et le dessinateur, l’un se nourrissant du souvenir fantasmagoriques de la petite amie de l’autre, la différence n’est finalement pas si grande. La présence d’un extrait du roman écrit par Martin à chaque début de chapitre fait écho à l’une des scènes où Louis parle de son travail à Corrine.
Je ne résiste pas à vous retranscrire le dialogue :
– Sérieux ! J’comprends pas pourquoi tu t’entêtes à faire un nouveau livre ! T’en as déjà fait 10000 !
– Pffff ! C’est du dessin ! ça intéresse personne! Les gens veulent qu’on leur raconte des histoires!
– Mais c’est super beau !
– Beau, beau… on s’en fout que ce soit beau… il y tellement plus que ça dans le dessin quand on a appris à regarder au-delà de la surface.
Si au début de l’album on se dit : où va-t-on ? On se laisse entrainer peu à peu par ces vagues de sentiments et de situations contradictoires. C’est très plaisant de parcourir les envies et les sentiments de ces personnages. Et pour reprendre les propos de Louis, sous le vernis du dessin érotique on trouve une grande pudeur chez des personnages auxquels on s’attache très rapidement. Si tous ont des manières différentes de chercher, tous sont en quête de sens par l’écriture, l’isolement ou l’amour.
Pour conclure, Jimmy Beaulieu rejoint la longue liste des auteurs de BD québécois que je relirais avec plaisir ! Avec Comédie sentimentale pornographique, il signe un album d’une extrême finesse où vulgarité et voyeurisme sont complètement absents. Un très bel album où poésie et onirisme règnent en maître. Merci à Babelio et à leur opération Masse Critique de m’avoir fait découvrir cet album !
A découvrir : le blog de Jimmy Beaulieu
A lire : la chronique de Sud-Ouest
A lire : un entretien (rapide) avec Jimmy Beaulieu
A noter : cette chronique a été faite dans le cadre de l’opération Masse Critique de Babelio… Cliquez ici pour voir les autres critiques sur cet album
 
																			 
             non pas éclater d’un rire gras, mais sourire du coin de la bouche accompagné d’un plissement du bord des paupières. Sourire d’un humour qui fait oublier Bigard et les soirées foot sur TF1, un humour sans prétention mais avec suffisamment d’humanité et d’intelligence pour se dire qu’on est heureux d’être assis à cet endroit à cet instant.
non pas éclater d’un rire gras, mais sourire du coin de la bouche accompagné d’un plissement du bord des paupières. Sourire d’un humour qui fait oublier Bigard et les soirées foot sur TF1, un humour sans prétention mais avec suffisamment d’humanité et d’intelligence pour se dire qu’on est heureux d’être assis à cet endroit à cet instant. Bien entendu cette seule explication technique ne suffit pas. Peut-être faut-il aller voir dans les racines même de l’œuvre ? Pour la petite histoire, Macanudo a été originellement publié dans le quotidien argentin La Nacion entre 2003 et 2004. Et là, ça résonne dans nos petites têtes : comics-strips, argentine… Evidence encore une fois. On le sentait  sans s’en rendre compte. La comparaison avec Quino vient tout de suite à l’esprit. L’influence est évidente mais pas limitative. Après tout, est-ce vraiment possible de faire du dessin de presse humoristique en Argentine sans s’affranchir de Mafalda ?  Il a conservé de son aîné le même amour pour la bonne chute, et surtout, même s’il n’y a pas de véritables héros dans l’univers de Liniers,  cette même tendresse pour ses personnages.
Bien entendu cette seule explication technique ne suffit pas. Peut-être faut-il aller voir dans les racines même de l’œuvre ? Pour la petite histoire, Macanudo a été originellement publié dans le quotidien argentin La Nacion entre 2003 et 2004. Et là, ça résonne dans nos petites têtes : comics-strips, argentine… Evidence encore une fois. On le sentait  sans s’en rendre compte. La comparaison avec Quino vient tout de suite à l’esprit. L’influence est évidente mais pas limitative. Après tout, est-ce vraiment possible de faire du dessin de presse humoristique en Argentine sans s’affranchir de Mafalda ?  Il a conservé de son aîné le même amour pour la bonne chute, et surtout, même s’il n’y a pas de véritables héros dans l’univers de Liniers,  cette même tendresse pour ses personnages. célèbre héroïne de la BD argentine. Et c’est là encore l’un des grandes forces de cet auteur, il prend constamment le contrepied de la vérité, de la logique abrutissante pour l’imagination. L’absurdité, la démesure, le rêve, la fantaisie, l’innocence et parfois même la pointe de cynisme nécessaire pour prendre le contrepied du contrepied, sont autant d’ingrédients qui font de Macanudo cette œuvre originale inscrite dans la tradition des grandes œuvres du comic-strip.
célèbre héroïne de la BD argentine. Et c’est là encore l’un des grandes forces de cet auteur, il prend constamment le contrepied de la vérité, de la logique abrutissante pour l’imagination. L’absurdité, la démesure, le rêve, la fantaisie, l’innocence et parfois même la pointe de cynisme nécessaire pour prendre le contrepied du contrepied, sont autant d’ingrédients qui font de Macanudo cette œuvre originale inscrite dans la tradition des grandes œuvres du comic-strip.