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août 2014

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Chroniques BD

Ma révérence (Lupano et Rodguen)

Vincent est un trentenaire paumé. Pour sortir de sa condition, il prépare l’attaque d’un fourgon blindé avec son vieux pote, Gabriel, alias Gaby Rocket, un quinquagénaire tout aussi perdu que lui. Pour cela, ils vont prendre le fils du chauffeur en otage. Mais voilà, nos deux apprentis malfrats ne sont pas des pros et les imprévus se succèdent.

Faux polar

Ma révérence a reçu le prix polar au festival d’Angoulême en 2014. Bravo à Rodguen (aux dessins), Ohazar (le coloriste) et à Wilfrid Lupano qui est décidément un scénariste qui a le vent en poupe. C’est très bien excepté que Ma révérence n’est pas un polar.

Si on se base sur une définition stricte, à savoir qu’un polar intègre une enquête, un mystère et un policier (ou un détective) comme personnage principal. Ici, rien de cela. A y regarder de plus près, même sans cette définition stricte, cette histoire est avant tout une affaire de personnages, de contexte social, d’utopie et de quête de soi. Les deux apprentis malfrats ne sont pas des durs, mais deux types un peu paumés en décalage avec la réalité qui les entoure. Bref, de magnifiques losers comme on les aime. L’un poursuit un rêve, l’autre survit malgré tout. Nous pourrions presque nous passer du « casse de fourgon » tant il paraît anecdotique à côté de l’aspect quasi-sociologique présentant une France des années 2000 en manque de repères.

Vrai réalisme

C’est là toute la force de l’écriture de Wilfrid Lupano. Il décrit avec beaucoup de justesse, mais aussi d’humour à travers des dialogues incisifs, une société où racisme, individualisme, quête de l’apparence, manque de courage sont au cœur des préoccupations et des débats. Vincent et Gaby n’échappent pas à ce contexte mais ce sont surtout les personnages secondaires nombreux qui enrichissent tour à tour le cadre de cette histoire.

Côté récit, l’ensemble est d’une grande fluidité et on prend plaisir devant les multiples rebondissements. Le dénouement ne surprendra toutefois pas vraiment le lecteur. Ce n’est pas grave car l’intérêt de cet album est ailleurs. Graphiquement, le dessin et la couleur rappellent le travail d’un illustrateur comme Gazzotti (Seuls). Un trait plutôt classique mais qui correspond à l’esprit particulièrement réaliste de cet album. Classique mais efficace, donc !

Finalement, cette lecture est agréable. Je doute toutefois que cet album demeure dans les mémoires très longtemps. Référence politique, sociale, graphisme très classique oblige. Toutefois, on prend un vrai plaisir à suivre les aventures de ce personnage plutôt positif qu’est Vincent. Looser ? Pas tant que ça. Un bon album, ça c’est sûr !

A lire : la critique de Mo’

Ma révérence (one-shot)
Scénario : Wilfrid Lupano
Dessins : Rodguen
Couleurs : Ohazar
Editions : Delcourt, 2013

Public : Ados-Adulte
Pour les bibliothécaires : un bon album, un prix, de quoi plaire aux lecteurs.

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Wet moon T1 (Atsushi Kaneko)

Dans le Japon des années 60, le jeune inspecteur Sata revient d’une longue période d’absence. Qu’est-il arrivé ? Il ne le sait plus très bien. Il se rappelle de cette femme, accusé du meurtre d’un ingénieur fabriquant des modules pour un étrange programme spatial. Mais avec ce bout de métal dans son cerveau, il n’est plus sûr de rien. Une enquête entre hallucination et réalité.

Lynch, Burns… Kaneko !

Quand un éditeur essaye de vendre son livre à travers sa 4e de couverture, il aime parfois faire des références à des œuvres ou des auteurs majeurs. Ainsi, il n’est pas rare de retrouver les mêmes créateurs sur certains genres de livres. Par exemple, dès qu’il y a un peu d’écologie et de poésie, paf, on vous balance un Miyazaki ! C’est effectivement plus facile. Miyazaki, ça rassure quant à la qualité même si la plupart du temps, on se paye un peu notre tête.

Bref, en lisant la 4e de Wet Moon, j’ai souri en voyant les références à l’univers de David Lynch et à l’univers graphique de Charles Burns. Pour ceux qui ne suivraient pas, grosso-modo, une référence « lynchienne » correspond à un univers évoluant dans des sphères entre fantasmagorie et réalité, où le lecteur se trouvera sans repère. Normalement, au bout de l’histoire, chacun aura son interprétation… ou pas. Bref, Lynch c’est beau mais personne ne comprend vraiment ce qu’il veut dire. Je caricature un peu évidemment. Je ne voudrais pas me fâcher avec la secte lynchienne qui ne me lit sûrement pas de toute façon.

Pour continuer sur des bases plus simples pour un amateur de bande dessinée comme moi, une référence graphique à Charles Burns indique une très bonne maîtrise du noir et blanc. Si l’absence de couleurs dans le manga n’est pas rare, faire référence à un artiste américain en parlant d’un illustrateur japonais est en revanche plutôt une surprise.

Créateur en liberté

Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’Atsushi Kaneko. Après Bambi et Soil, il nous entraine encore dans un univers complètement déjanté à la limite de… de quoi d’ailleurs ? Cet auteur bénéficie vraiment d’une liberté créative rare dans le milieu du manga des années 2010 et c’est véritablement toute sa force !

Dès les premières planches, nous voici plongés dans l’univers d’un roman noir : meurtre sadique, gueules de monstres, moiteur d’une station balnéaire, obsessions, flics ripoux. Au milieu, la lune où les russes viennent de débarquer, où le Japon souhaite se poser. Quel rapport avec notre histoire ? Bonne question. Mais pour résoudre cette énigme, il y a notre héros. Un personnage à la hauteur de ce monde, un tout jeune inspecteur de police qui porte dans son cerveau les germes de la folie, un petit bout de métal qui se balade et qui dérègle sa réalité…

La suite ? Une perte rapide de repères entre passé et présent dans des effets de découpages souvent hallucinés. Comme Sata, nous ne savons pas vraiment où Atsushi Kaneko nous entraine et quels sont les réalités des images que l’on perçoit. Entre métaphores, souvenirs et fantasmes, le chemin sera long avant de connaître le dénouement d’une histoire déjà bien prenante. Car l’auteur, loin de nous perdre complètement, nous laisse des indices, nous éclaire peu à peu sur les zones d’ombres… mais sommes-nous assurés de recevoir les bons éléments ? De là naît l’intérêt de suivre le récit jusqu’à son terme.

Pour une fois, je dois admettre que les références choisis par les éditions Casterman sont plutôt bien vues. Avec son trait noir épais et ses codes graphiques bien plus proche de l’univers des indépendants américains, Atsushi Kaneko rappelle assurément d’un auteur comme Charles Burns (je pense à El Borbah par exemple). Quant à l’univers ? Un seul adjectif me vient en tête : lynchien !

A noter que Wet Moon a reçu le Prix Asie de l’ACBD 2014.

A lire : la chronique d’Yvan et celle de Marie

Wet Moon T.1 (séries en cours, 2/3 tomes parus, série terminé)
Scénario et dessins : Atsushi Kaneko
Editions : Casterman, 2014 (8,50€)
Collection : Sakka
Editions originales : Kadokawa, 2012

Public : Adulte
Pour les bibliothécaires : plus court que Soil, bien parti pour être une série intéressante. A suivre mais pour 3 volumes, ça vaut le coup.

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | GTO : Great Teacher Onizuka (Toru Fujisawa)

Eikichi Onizuka, 22 ans, toujours puceau ne sait pas vraiment quoi faire de sa vie. Par un improbable concours de circonstance, il devient enseignant stagiaire dans un collège privée très réputé ? Mais comment lui, issu d’une université de 5e catégorie, ancien chef de gang bosozoku (motards), va-t-il faire face aux élèves, enseignants et parents qui veulent tous sa peau ? Avec fantaisie, humour, inventivité… et pas mal de surprises.

Un classique des 90′

Je profite de mes vacances d’été pour relire quelques classiques et GTO fait incontestablement partie de cette catégorie. Dans le style Shonen Gankuen – les histoires se déroulant en le milieu scolaire – c’est tout simplement un incontournable. De 1997 à 2002 et 25 volumes, Tôru Fujisawa et son équipe ont conquis un grand nombre de lecteur. Depuis de nouvelles séries de mangas, une anime (43 épisodes), des dramas ont vu le jour… La preuve d’un succès populaire incontestable.

Pourtant, GTO dresse un portrait particulièrement sombre du système éducatif japonais : violences, intimidations, abandons, suicides, obligations de résultats, égoïsme, parents absents, professeurs désabusés ou obsédés… Des jeunes filles sont la proie de détraqués sexuels à tous les coins de rue ou dans les transports. Des jeunes garçons sont complètement perdus dans un monde qui ne leur donne pas de repères. Nous sommes clairement dans le manga des années 90, mélange des grands thèmes d’après-guerre (la perte de confiance envers les adultes) et de cette remise en cause des valeurs du miracle japonais né avec la bombe Akira quelques années plus tôt. Pour rappel, en 1997, date du début de publication de GTO, le japon se remet à peine de l’éclatement de la bulle économique.

Héros, culottes et grandes valeurs

Au milieu de ce petit monde : Eikichi Onizuka. 22 ans, puceau, ancien chef de gang, capitaine de l’équipe de karaté d’une université pourrie où il est rentré en envoyant quelqu’un d’autre à sa place. Il est nul, ne connaît rien hormis les motos et pourtant…

Ce dernier se situe dans la droite ligne de ces héros des années 80/90 totalement anticonformiste mais porteur de réelles valeurs humaines. En fait, Onizuka est plus proche d’un Ryo Saeba (Nicky Larson en français) que du Gérard Klein dans l’Instit. Violent, obsédé sexuel, ados totalement attardé ne s’intéressant qu’à des futilités, il débarque un jour dans ce petit monde, semble mettre le bazar mais règle finalement les problèmes les uns après les autres. Au cours des 25 volumes de GTO, les soucis qui se posent à lui sont aussi variés que surprenants. Mais Tôru Fujisawa trouvent sans cesse de nouvelles façons de rebondir pour nous plonger un peu plus dans son monde. Ainsi, les nombreux cycles de cette histoire sauront vous faire découvrir de nouveaux aspects de la personnalité des personnages. Ados, profs, parents, tout ce petit monde qui forme une grande communauté à la fin de l’histoire, trouvera le moyen de vous séduire… et surtout de vous faire rire. Car c’est avant tout le but de GTO.

Cet humour est parfois très pipi-caca-petite-culotte blanche et saignement de nez. On peut d’ailleurs légitimement se poser la question de la présence de GTO dans la catégorie manga pour ados tant le côté sexuel est présent dans ce manga. De quoi avoir quelques maux de têtes pour les les bibliothécaires qui choisiront de l’intégrer dans leur secteur jeunesse ou ados. Au passage, cela prouve encore toute la liberté de ton des auteurs japonais par rapport à la bande dessinée franco-belge ou américaine. GTO serait tout simplement impossible chez nous. D’un autre côté, ce manga – hors de cet humour japonais très libre – aborde des thèmes qui parleront très fortement aux plus grands : prise de responsabilités, conscience de ses actes, importance de l’amitié et de la communication. Bref, une réflexion plus intéressantes qu’il n’y paraît sur le passage à l’âge adulte (héros principal compris) et des valeurs nobles portées par un héros charismatique et totalement iconoclaste.

Bref, si vous ne connaissez pas GTO, si vous souhaitez découvrir une série un peu longue qui saura vous détendre sans pour autant être totalement débile, si vous aimez les bons personnages avec un peu de profondeur, découvrez ce Great Teacher Onizuka. Assurément, une série qui vous procurera pas mal de joie !

A lire : le dossier Manga-news
A voir : Passion-GTO, un blog consacré uniquement à l’univers d’Onizuka

GTO : Great Teacher Onizuka (25 volumes, série terminée)
Scénario et dessins : Tôru Fujisawa
Editions : Pika, 2001-2004 (Nouvelle édition double en 2012)
Editions Originales : Kodansha (1997-2002)

Public : Grands ados-adultes
Pour les bibliothécaires : un classique mais en 25 volumes (enfin 13 avec l’édition double). Série terminée. A avoir dans une mangathèque idéale malgré quelques références qui ont un peu vieillies.

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